Texte de Louis CHRISTOPHE, responsable de la gestion administrative à bord du GEORGES PHILIPPAR et qui raconte le naufrage tel qu'il l'a vécu et photographié.
Ayant à bord 505 passagers et 262 hommes d'équipage, soit 767 personnes, le " GEORGES PHILIPPAR " avait quitté Colombo pour Djibouti le 10 Mai 1932 à 22h30.
Les passagers, réveillés par la fumée asphyxiante et la chaleur, cherchent à fuir par les coursives, à peine vêtus, mais toutes les issues sont bientôt impraticables, et il ne leur reste plus qu'à sortir par les hublots, moyen que peu peuvent utiliser en raison de la rapidité du feu. Plusieurs sont asphyxiés dans leur cabine en flammes. Pour comble de malheur le feu atteint les embarcations de sauvetage disposées sur le pont supérieur On ne peut en mettre que 2 à l'eau ainsi que celles de la dunette. Elles sont bientôt pleines et il reste, à l'avant et à l'arrière, de nombreuses personnes à sauver. Plusieurs se jettent à l'eau quand arrivent les navires de secours. . |
|
Les
passagers embarquent dans les rares canots de sauvetage utilisables |
D'abord, ce fut le pétrolier russe " SOVIETSKAÏA NEFT " qui recueillit les rescapés des embarcations qui avaient pu être mises à l'eau et établit un va et vient entre le paquebot brûlant et le navire russe. Bientôt arrivèrent à leur tour entre 5 et 8 heures du matin les cargos anglais " CONTRACTOR " et " RAMSHU " (en fait MASHUD) qui établirent à leur tour un va et vient et sauvèrent toutes les personnes qu'ils purent. A 08h35 le matin, le sauvetage était terminé et le Commandant monta à son tour dans l'embarcation de sauvetage, mais le " GEORGES PHILIPPAR " n'était plus qu'un immense brasier de l'avant à l'arrière. Il y avait 52 disparus qui n'avaient pu se sauver en raison de l'effrayante rapidité de l'incendie, parmi lesquels le célèbre journaliste Albert LONDRES qui revenait de faire un reportage en Mandchourie.. |
|
Depuis le pont d'un des bateaux sauveteur, les rescapés regardent le brasier |
Le pétrolier russe " SOVIETSKAÏA NEFT " demeura sur les lieux jusqu'à midi, puis, quand il fut certain qu'il n'y avait plus personne à sauver, fit route sur Aden, ne pouvant conserver à son bord, par manque de vivres, les 400 rescapés qu'il avait. Le 17 Mai vers 10 heures il rencontra l' "ANDRE LEBON " qui avait quitté Marseille le 6 Mai pour l'Extrême Orient, et qui, alerté par TSF faisait route à toute vitesse vers le lieu du sinistre. Il prit à son bord les rescapés et les amena à Djibouti où ils furent réconfortés et soignés et embarqués quelques jours après sur le " GENERAL VOYRON " qui revenait de Madagascar et rentrait en France.
Note : lorsque la tranche des deux paquebots de luxe destinés à la ligne de Chine -Japon fut mise sur cale en 1928, le Conseil d'Administration de la Cie décida que le premier des deux paquebots prendrait le nom de " FELIX ROUSSEL " afin que le second put recevoir celui de " GEORGES PHILIPPAR " Président en exercice, contrairement à l'usage selon lequel un Président n'était honoré qu'après sa mort ou, tout au moins, après qu'il eut cessé ses fonctions. Après la tragique catastrophe du " GEORGES PHILIPPAR ", le personnel de la Direction de Paris demanda à Georges Philippar qu'il acceptât que le troisième paquebot de luxe qui allait être mis en service sur l'Extrême Orient prit le nom de " GEORGES PHILIPPAR II ", mais celui-ci, déjà attristé que son nom ait été si étroitement lié à une catastrophe qui avait fait tant de bruit, refusa. Lorsqu'il mourut en 1959 à Saint Malo, après avoir continué à diriger les anciennes Messageries Maritimes qui étaient devenues la Compagnie des Transports Océaniques tandis que l'Etat avait constitué de nouvelles Messageries Maritimes en 1948, il demanda, par testament, que la grande maquette qu'il avait conservée du navire qui avait porté son nom si tragiquement disparu après une si brève existence, ne lui sur - vécut pas et fut immergée au large de Saint Malo. Ses héritiers obéirent à ses dernières volontés et firent jeter à la mer la maquette…mais, quelques années après, des pêcheurs bretons eurent la surprise de remonter dans leurs filets une maquette de navire qui, déposée à l'Inscription Maritime, fut identifiée comme celle du " GEORGES PHILIPPAR " - Rendue aux héritiers, ceux-ci la firent de nouveau immerger par grands fonds …. Triste fin pour clore l'histoire de ce merveilleux navire qui débuta sa courte carrière par une croisière offerte par le Président Philippar aux notabilités de la Compagnie pour aller de Saint Nazaire à Marseille en Janvier 1932 suivie de festivités grandioses organisées par lui-même pour présenter " son navire " aux notables marseillais avant son départ, le 26 Février 1932, pour un voyage sans retour. NB : Ce texte, remis en forme dans son intégralité, accompagné de plusieurs photos de l'auteur, a été établi pour sa diffusion, stricto sensu, réservée au forum des Messageries Maritimes avec l'accord de Madame A. Christophe Cdt C.PETRELLUZZI - Marseille le 7 Janvier 2008 |
|||
La plupart des photographies sont de Louis CHRISTOPHE
©Annie CHRISTOPHE /Claude PETRELLUZZI / Philippe RAMONA 20 janvier 2008