Rapport manuscrit du commandant Baretge,
copié aux Archives de la Chambre de Commerce
et d'Industrie Marseille-Provence.
Rapport général du Voyage
Ligne d’Egypte
Voyage n° 2
Paquebot : le " Lotus "
Commandé par M. Baretge
Communiqué au Conseil le 6 janvier 1917
De Marseille à Alexandrie et retour
Voyage du 29 novembre au 18 décembre 1916Escales : Arrivées Départs
Marseille 29 novembre à 18h30Malte 2 décembre à 8h30 3 décembre à 10h30Alexandrie 6 décembre à 8 h30 12 décembre à 10h30Malte 15 décembre à 9h30 15 décembre à 17h30Marseille 18 décembre à 4h00
Parti de Marseille le 29 novembre à 18h30 par fraîche brise de NE avec forts grains de pluie, mer grosse. Beau temps du 1er décembre à l’arrivée. Il m’a été impossible de quitter Malte le jour même, le port n’ayant pas de mature, il nous a fallu débarquer par nos propres moyens 5 aéroplanes, travail qui nous a pris beaucoup de temps en outre nous avions à débarquer 140 tonnes de marchandises diverses. La traversée de Malte à Alexandrie a été très soucieuse par la présence signalée de plusieurs sous-marins sur notre route et même dans notre voisinage.
Nous sommes arrivés à Alexandrie le 6 et mouillé dans l’avant-port à 9h30 et accosté à quai à 13h30, retard causé par les diverses formalités. Le départ a été renvoyé au mardi 12 le travail du dimanche étant à peu près nul. Nous avions une certaine quantité de colis lourds dans nos cales, qui ont demandé l’aide du ponton mature, travail qui nous a encore demandé pas mal de temps.
La traversée de retour a été particulièrement soucieuse et a demandé une tension d’esprit très grande et une veille encore plus grande surtout de la Crète à Malte (Je vous signale par lettre la conduite d’un de mes matelots qui a peut-être sauvé le Lotus d’une catastrophe).
Arrivée à Malte le 15 et amarré sur les bouées à 10h15. L’on m’apprend le torpillage du " Magellan " et du "Sinaï " et que j’avais environ 500 passagers à prendre. Comme j’avais déjà 302 passagers, je n’avais plus les moyens de sauver tout le monde, j’ai demandé des ceintures et des radeaux au commandant de la Marine. Il ne pouvait disposer que d’un seul radeau, je lui ai demandé en place 6 embarcation et 350 ceintures, ce qui m’a été accordé. J’ai pris ces embarcations sous mes mats de charge et saisies le long du bord, prêtes à être amenées à retour (sans avoir de pression qui dans un torpillage peut nous manquer en très peu de temps) enfin je me suis tellement débrouillé que j’ai pu quitter Malte le jour même avec mon personnel et le matériel non sans peine.
Nous avons logé tout ce monde de notre mieux et pour les nourrir nous les avons fait manger par bordées, le matériel pour nourrir tout ce monde nous faisant défaut.
Temps assez beau jusqu’au cap Corse. Nous avons été escortés tout le long de la côte Corse par l’ " Aldébaran ". Temps couvert, peu de mer, fraîche brise de NE, mer grosse du Cap à Marseille. Arrivé au point fixe le 18 à 4h. Nous avons parcouru 740 miles en plus de notre itinéraire (frontal) pour suivre les routes secrètes et les crochets conseillés par la Marine.
Résultats commerciaux :Marchandises :Aller 1136 tonnes diverses = 111 022,40 FRetour 2058 tonnes diverses = 175 099,75 FPassagers :Aller 287 passagers = 49 925,00 FRetour 730 passagers = 33 700,00 FRecettes à bord : = 17,50 F
Parmi nos passagers de retour figurent en grande partie les états-majors et équipages de nos paquebots " Karnak ", " Magellan " et " Sinaï " ainsi qu’une partie des passagers de ces paquebots. La recette des divers passagers rescapés embarqués à Malte ne figure pas sur la recette générale du voyage.
Passagers embarquésDate 1ère classe 2nde classe 3ème classe autresMarseille 29/11 84 36 33 125Malte 3/12 4 1 1 3Alexandrie 12/12 27 17 24 234Malte 15/12 27 21 54 356
Le capitaine :
Dominique BARETGE
©Philippe RAMONA 9/2/99